Les résultats financiers d'Airbus n'auront jamais été aussi bons, et pourtant, même si c'était le jour de la Saint-Valentin, nous avons bien senti à Toulouse que le coeur n'y était pas vraiment, ni vis-à-vis de la formidable machine qu'est l'A380, ni bien sûr pour les milliers de salariés qui seront d'une façon ou d'une autre impactés après la livraison du tout dernier exemplaire à Emirates dans deux ans.
Évidemment, l'actuel patron du groupe aéronautique européen Tom Enders a insisté sur le fait que tout avait été envisagé pour pouvoir prolonger la production du programme, aussi bien du côté des équipes de ventes que du côté des ingénieurs. Mais les pistes conduisant à une remotorisation ou à un allongement n'ont pas eu la réponse du marché escomptée, le nombre de clients intéressés étant considéré beaucoup trop faible pour continuer l'aventure.
Reste qu'avec la fin de la phase de production du 380, c'est finalement aussi l'ère des quadriréacteurs de transport de passagers qui entame son crépuscule. Alors que la vague du remplacement des 777-300ER va commencer, une importante bataille s'annonce entre les grands avionneurs sur les biréacteurs long-courriers de grande capacité, eux-mêmes finalement très largement responsables des difficultés commerciales du Super Jumbo européen ces dernières années.
Certains observateurs y voient déjà l'arrivée d'une version allongée de l'A350-1000 pour venir répondre à l'écart de capacité existant avec le 777-9 de Boeing. D'autres annoncent aussi une remotorisation de la famille A350 dès la seconde moitié de la prochaine décennie pour réduire d'une toute autre manière le CASM* des opérateurs sur ce segment.
Une chose est cependant certaine et a déjà été annoncée par Guillaume Faury, qui prendra très bientôt la succession de Tom Enders. Avec la digitalisation complète de son outil industriel, Airbus va encore renforcer sa stratégie d'améliorations incrémentales sur sa gamme actuelle et va très certainement aussi s'attacher à rester au plus près du « sweet spot » pour chacune des catégories d'appareils, et donc en particulier sur celle des long-courriers de 300 passagers.
Car en mettant définitivement le cap sur l'efficience, Airbus pourra dégager plus de rentabilité pour pouvoir préparer un avenir encore plus lointain, et par définition plus incertain.
(*) Cost per Available Seat Mile - un des indicateurs permettant de comparer l'efficacité d'un appareil ou d'une flotte.
Romain Guillot
Rédacteur en chef Cofondateur du Journal de l'Aviation et d'Alertavia